Droit du travail et numérique

Communication syndicale dans l’entreprise à l’ère du numérique : ce que prévoit l’avant-projet de loi

21739768_blogCommunication syndicale dans l’entreprise à l’ère du numérique . L’avant-projet de loi El Khomri qui doit être présenté en Conseil des ministres mi-mars propose une série de mesures visant à adapter le droit du travail à l’ère du numérique. Parmi ces mesures, le droit d’utiliser l’intranet de l’entreprise à des fins syndicales.

Etat du droit. Aujourd’hui, l’intranet et la messagerie électronique de l’entreprise peuvent être utilisés à des fins de communication syndicale si un accord collectif le prévoit (art. L.2142-6 C. travail).

A défaut d’accord, les organisations syndicales utilisent en principe leurs propres moyens de communication numérique : site internet, messageries électroniques personnelles des salariés ayant donné leur accord.

Nouvelle disposition. L’avant-projet de loi dispose au profit des syndicats un droit d’exploiter un site sur l’intranet d’entreprise en y postant des tracts ou d’autres publications syndicales (article 27 de l’avant-projet de loi).

Entreprises concernés. Seules seraient concernées les entreprises de 50 salariés ou plus, obligées d’accepter la constitution de sections syndicales, et qui auraient installé un intranet.

Syndicats concernés. Pour bénéficier de ce droit, les syndicats devraient être implantés dans l’entreprise depuis au moins deux ans, satisfaire aux critères d’indépendance et de respect des valeurs républicaines et couvrir le champ géographique et professionnel de l’entreprise.

Conditions d’utilisation par les syndicats. L’utilisation des outils numériques de l’entreprise devraient en toutes hypothèses :

  • être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l’entreprise ;
  • ne pas entraver l’accomplissement normal du travail ;
  • préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message.

Commentaires. Si ce texte constitue une avancée pour la communication syndicale dans l’entreprise, il n’est pas certain qu’il soit à la hauteur de son ambition affichée, ni ne garantisse une communication syndicale effective.

Un droit limité à l’intranet. En effet, sans justification apparente, l’avant-projet de loi limite le droit de communication syndicale à l’intranet alors que d’autres canaux de diffusion existent au sein de l’entreprise : réseaux sociaux, messagerie électronique, messagerie instantanée…

Il eut été plus novateur et cohérent avec l’objectif de la mesure de rédiger (i) un principe général selon lequel les syndicats disposent du droit de diffuser des messages à caractère syndical sur les outils numériques déployés dans l’entreprise et (ii) d’encadrer ce droit d’utilisation pour éviter qu’il ne dégénère en abus et perturbe l’activité de l’entreprise.

Un droit dont l’effectivité n’est pas garantie. De plus, si l’avant-projet précise les conditions  d’utilisation de l’intranet par les syndicats,  il ne met à la charge de l’employeur aucune obligation d’accessibilité et de visibilité du site syndical.

Ainsi, l’employeur pourrait mettre à disposition des syndicats un sous-domaine de l’intranet invisible et inaccessible aux salariés afin de remplir son obligation légale. L’effectivité du droit proposé par l’avant-projet de loi n’est donc nullement garantie.

Conclusions. Pour que le texte soit à la hauteur des moyens de communication actuels et garantisse une utilisation effective des outils numériques de l’entreprise par les syndicats, il eut été souhaitable de prévoir :

  • d’une part, un droit des syndicats d’utiliser à des fins de communication syndicale les outils numériques mis à disposition du personnel par l’employeur, sans autorisation préalable,
  • d’autre part, une obligation d’accessibilité et de visibilité des sites syndicaux sur l’intranet d’entreprise, en prévoyant un accès direct sur la page d’accueil.

 

L’essentiel

L’avant-projet de loi de réforme du code du travail prévoit au profit des syndicats implantés dans une entreprise un droit d’exploiter un site sur l’intranet afin d’y publier des communications syndicales.

► Si ce texte constitue une avancée pour la communication syndicale dans l’entreprise, il n’est pas certain qu’il soit à la hauteur de son ambition affichée, ni ne garantisse une communication syndicale effective.

► Il eut été novateur d’instituer :

  • un droit des syndicats de diffuser leurs messages sur tous les outils numériques de l’entreprise, en encadrant l’utilisation de ces outils ;
  • et une obligation de visibilité des sites syndicaux sur l’intranet d’entreprise pour qu’ils soient directement accessibles depuis la page d’accueil .