Droit du travail et numérique

Le télétravail est-il obligatoire pendant l’état d’urgence sanitaire ?

Un nouveau protocole prévoit la mise en place du travail à plein temps pour les salariés dont les tâches peuvent être effectuées à distance. Le télétravail est-il pour autant devenu obligatoire?

Protocole national. Publié le 29 octobre 2020, le protocole national « pour assurer la santé et la sécurité des salariées en entreprise face à l’épidémie de Covid-19 » prévoit que le télétravail doit désormais « être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent ». « Le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100% pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance. »

Présenté comme « la règle » pendant l’épidémie, le télétravail est-il pour autant obligatoire?

Etat d’urgence sanitaire. Selon l’état d’urgence sanitaire déclaré depuis le 17 octobre 2020, le premier ministre a le pouvoir, par décret pris sur le rapport du ministre de la santé, de « réglementer ou interdire la circulation des personnes » et de prendre « toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d’entreprendre. » (art. L.3131-15 c. du travail)

Sur ce fondement et « aux seules fins de garantir la santé publique », le premier ministre pourrait imposer aux entreprises de mettre en place le télétravail. Or, à ce jour, aucun décret ne le prévoit.

Recommandations. Le protocole publié sur le site internet du ministère du travail « constitue un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur » (CE, référé, 17 octobre 2020) Il n’est pas contraignant et ne relève pas du régime de l’état d’urgence sanitaire.

Le confinement n’exige pas non plus le télétravail puisque les « déplacements à destination ou en provenance du lieu d’exercice d’une activité professionnelle » y font exception. (Décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020)

Conséquences. Aujourd’hui, aucun texte n’impose le passage à un télétravail à temps complet pour les salariés pouvant effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance. Cette prescription n’est, à ce jour, qu’une recommandation. En tant que telle, elle ne s’impose pas aux entreprises.

Une évaluation des risques par chaque employeur. La mise en place du télétravail demeure une prérogative de l’employeur. Il décide, après avoir évalué les risques dans son entreprise (nature de l’activité, disposition et fréquentation des locaux, moyens de transport des salariés…), si cette mesure est la plus appropriée pour garantir la santé du personnel. (art. L.4121-1 et s. du code du travail) Tenue par une obligation de sécurité de résultat, il sera fortement incité à suivre les préconisations du gouvernement. Mais, formellement, il aura toujours la possibilité de démontrer que d’autres mesures sont plus appropriées à son entreprise.

Un télétravail obligatoire pour les salariés ? Si l’employeur le décide, le télétravail est-il obligatoire pour les salariés? En tant normal, non. En « cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure », oui (article L.1222-11 du code du travail). Toutefois, si cette justification ne repose pas sur des considérations générales mais sur la situation réelle de l’entreprise. La charge de la preuve repose sur l’employeur.

Un télétravail imposé par les salariés ? Inversement les salariés peuvent-ils imposer à l’employeur la mise en place du télétravail pendant l’état d’urgence sanitaire ?

L’organisation du travail est une prérogative de l’employeur.

Cependant, les salariés peuvent revendiquer un changement d’organisation, directement ou par l’intermédiaire de leurs élus ou représentants syndicaux, en faisant valoir la nécessité de protéger leur santé.

De concert avec les élus et les représentants syndicaux, ils peuvent alerter l’employeur, l’inspection du travail et la médecine du travail sur les risques engendrés par l’organisation en place.

En cas de danger grave et imminent, il peuvent faire jouer leur droit de retrait, en veillant à rester à la disposition de l’employeur jusqu’au retour à une situation normale.

En l’absence de mesures de prévention adaptées, ils peuvent saisir le Tribunal judiciaire en référé pour obliger l’employeur à respecter son obligation de prévention et de sécurité.