Droit du travail et numérique

Qualification abusive de « cadre dirigeant » : heures supplémentaires et travail dissimulé (départage Paris)

Cadre dirigeant heures supplémentaires. Eluder le contrôle de la durée du travail et le paiement des heures supplémentaires peut coûter cher. Le propriétaire d’un groupe de supermarchés qui qualifiait abusivement de « cadre dirigeant » le directeur de l’un de ses magasins l’a appris à ses dépens.

Par un jugement rendu le 7 avril 2021, le Conseil de prud’hommes de Paris a condamné l’employeur à verser à l’ancien directeur de son magasin un rappel d’heures supplémentaires et des dommages et intérêts pour travail dissimulé.

En l’espèce, le contrat de travail du salarié prévoyait « une rémunération forfaitaire sans référence horaire » et une « large délégation de pouvoirs et de responsabilités en matière sociale ».

Cette clause faisait écho aux dispositions du code du travail et de la convention collective relatives au « cadre dirigeant », pour lequel la durée du travail n’est pas décomptée.

Contestant cette qualité de cadre dirigeant, le salarié, qui travaillait en moyenne plus de 67 heures par semaine mais n’était payé que 39, demandait le paiement de nombreuses heures supplémentaires.

L’employeur ayant refusé de régulariser, il a saisi le Conseil de prud’hommes.

Une subordination incompatible avec le qualification de cadre dirigeant. Ce dernier retient que « le salarié était soumis aux directives de l’employeur, qui décidait du recrutement des salariés, des horaires d’ouverture et de fermeture du magasin, de la politique en matière de gestion des prix et d’approvisionnement… »

Il relève par ailleurs que les bulletins de paie faisaient référence à une durée du travail mensuelle.

Il en déduit que le salarié n’était pas cadre dirigeant.

En conséquence, il juge que la demande de paiement des heures supplémentaires bien fondée.

Appréciation du nombre d’heures supplémentaires. Pour déterminer le nombre d’heures supplémentaires impayées, le Conseil invoque l’article L.3171-4 du code du travail, qui dispose que  l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonnée en cas de besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, le salarié produisait un tableau précis des heures et jours de travail effectuées, confirmé par l’historique du dispositif de sécurité du magasin.

Par ailleurs, il s’était plaint des horaires qui lui étaient imposés.

En revanche, l’employeur ne produisait aucun décompte de la durée du travail.

En conséquence, le Conseil le condamne à verser l’intégralité des heures supplémentaires demandées, pour un montant de 46 977,33 euros, ainsi que diverses sommes au titre du travail dominical et des jours fériés, des repos compensateurs et des congés payés.

Travail dissimulé. En outre, le conseil retient que « l’attribution erronée par l’employeur de la classification du salarié en qualité de cadre dirigeant, aux fins d’échapper au paiement des majorations de salaire » relevait d’une intention délibérée. En conséquence, il le condamne à payer 18000 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé.