Droit du travail et numérique

L’employeur a-t-il le droit de demander une copie d’un justificatif vaccinal?

Sous peine de suspension de leur contrat de travail, depuis le 15 septembre 2021, les personnels des établissements de santé, sociaux et médico-sociaux doivent justifier d’une première injection d’un vaccin contre la covid-19 et d’un test de dépistage négatif.  A compter du 16 octobre, ils devront présenter un schéma de vaccination complet pour pouvoir travailler.

Si le calendrier de l’obligation vaccinale est clair, les modalités de contrôle de cette obligation par les employeurs le sont moins.

1. L’obligation de justifier de son statut vaccinal auprès de l’employeur

Les salariés et agents des établissements de santé, sociaux et médico-sociaux sont tenus de justifier de leur statut vaccinal, d’un certificat de rétablissement ou d’une contre-indication médicale.

En effet, selon l’article 13, II de la loi du 5 août 2021, les personnes concernées « justifient avoir satisfait à l’obligation [vaccinale] ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur ».

Selon l’article 49-1 du décret du 1er juin 2021 :

  • à compter du 15 septembre 2021 jusqu’au 15 octobre 2021, ils doivent justifier d’un test de dépistage négatif à la covid-19 et de l’administration d’au moins une des deux doses de vaccin ;
  • à compter du 16 octobre 2021, la présentation d’un statut vaccinal complet est exigée.

Le contrôle de l’obligation vaccinale s’effectue dans les mêmes conditions que le passe sanitaire, en utilisant l’application « TousAntiCovid » ou à partir d’un support papier.

L’employeur n’a pas à connaître d’autre information que la satisfaction des critères requis.

Afin de limiter l’atteinte au secret médical, les certificats de rétablissement ou de contre-indication peuvent être communiqués au médecin du travail.

2. Une possibilité de conserver les résultats des vérifications mais pas les justificatifs vaccinaux eux-mêmes

Pour ne pas avoir à contrôler plusieurs fois une même personne, l’employeur peut conserver les résultats des vérifications qu’il effectue. Mais il n’est pas autorisé à conserver les justificatifs vaccinaux eux-mêmes.

En effet, afin de minimiser le traitement des données de santé, le législateur est revenu sur cette possibilité, un temps envisagé, pour ne permettre que la conservation d’un relevé de vérifications. 

« IV. – Les employeurs et les agences régionales de santé peuvent conserver les résultats des vérifications de satisfaction à l’obligation vaccinale contre la covid-19 opérées en application du deuxième alinéa du II, jusqu’à la fin de l’obligation vaccinale.

Selon le rapporteur de la loi du 5 août 2021 devant la commission mixte paritaire, le sénateur Philippe Bas (Projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire (senat.fr)) :

« à l’initiative du rapporteur et suivant les recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), la commission a adopté un amendement COM-210 visant à prévoir la possibilité, pour les ARS et les employeurs, de conserver un relevé des résultats de leurs vérifications du statut vaccinal des personnes concernées »

Selon cet amendement COM 210 adopté en commission mixte paritaire :

 » le III remplace la possibilité de conservation de justificatifs – qui relèvent de données médicales – par la conservation d’un relevé des résultats des vérifications opérées par les ARS et les employeurs du respect de l’obligation de vaccination par les personnes concernées. »

L’employeur n’a donc aucun droit d’exiger la copie d’un justificatif vaccinal, ni de la conserver, mais seulement de tenir à jour un relevé de ses vérifications auprès du personnel.

3. D’autres questions en suspens

Par ailleurs, on peut s’interroger sur la légalité de ce relevé au regard des règles de traitement des données de santé.

Combien de temps l’employeur sera-t-il autorisé à conserver ces données ? Jusqu’ « à la fin de l’obligation vaccinale » énonce la loi. Or, aucune date butoir n’est prévue. 

Au regard de la dérogation au secret médical qu’institue ce texte, il ne parait pas concevable qu’elle puisse excéder le temps strictement nécessaire à la lutte contre l’épidémie.

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