Droit du travail et numérique

Une rupture de période d’essai pendant un arrêt maladie jugée discriminatoire (Cour d’appel Paris)

Rupture période d’essai arrêt maladie. « Si le fait que le salarié soit en arrêt maladie ne fait pas obstacle à ce que l’employeur lui signifie sa décision d’interrompre la période d’essai au regard des résultats jugés insuffisants, encore faut-il que les insuffisances aient été constatées avant la maladie du salarié. »

Relevant que l’employeur « ne rapporte pas sérieusement la preuve de ce que la décision de rompre la période d’essai avait réellement été prise avant l’arrêt de travail », la Cour juge discriminatoire cette rupture et l’annule. (CA Paris, 29 juin 2021, n°19/04671)

Période d’essai et discrimination. La période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. (article L.1221-1 du code du travail) Si chacune des parties peut être mettre fin à une période d’essai sans invoquer de motif, cette décision ne peut résulter d’une cause discriminatoire, tel que l’état de santé.

En l’espèce, la salariée est engagée au poste de commis pâtissier dans un laboratoire de production de la société Pierre Hermé. Après un mois de gestes répétitifs, elle éprouve des fourmillements et une paralysie partielle des mains. Placée en arrêt maladie, des examens révèlent une pathologie probablement liée à son activité professionnelle. Deux jours après avoir demandé à l’employeur un rendez-vous avec le médecin du travail, la salariée reçoit une lettre de rupture de sa période d’essai datée de la veille de son premier arrêt.

Après avoir mis en demeure l’employeur de la réintégrer, en vain, la salariée a saisi le défenseur des droits, le Conseil de prud’hommes puis la Cour d’appel de Paris. Elle demandait l’annulation de la rupture liée à la dégradation de son état de santé.

Preuve de la discrimination. Selon le code du travail, en cas de litige sur l’existence d’une discrimination, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Pour retenir le caractère discriminatoire de la rupture, la Cour d’appel rappelle que « si le fait que le salarié soit en arrêt maladie ne fait pas obstacle à ce que l’employeur lui signifie sa décision d’interrompre la période d’essai au regard des résultats jugés insuffisants, encore faut-il que les insuffisances aient été constatées avant la maladie du salarié. »

Or, en l’espèce, la Cour constate que l’employeur « ne rapporte pas sérieusement la preuve de ce que la décision de rompre la période d’essai avait réellement été prise avant l’arrêt de travail » de la salariée.

Il s’ensuit que la rupture de la période d’essai est nulle.

Réparation. L’employeur est condamné à verser à la salariée 5000 euros de dommages et intérêts en réparation de la rupture discriminatoire.

Préjudice moral. Ayant vu injustement ses qualités professionnelles mises en cause, la salariée obtient 1500 euros en réparation de son préjudice moral.

L’employeur est également condamné à verser 2000 euros au conseil de la salariée qui renonce à l’aide juridictionnelle.