Inaptitude : l’employeur doit justifier « d’une recherche complète, personnalisée et précise » de reclassement rappelle la Cour de cassation le 11 mai 2017 (Cass. soc. 11 mai 2017, n°16-10.021)
Par un arrêt rendu le 11 mai 2017, la Cour de cassation rappelle que l’employeur doit justifier d’« une recherche complète, personnalisée et précise de reclassement » avant de licencier un salarié déclaré inapte.
Lorsque le médecin du travail juge l’état de santé d’un salarié incompatible avec son emploi, il le déclare médicalement inapte.
Cette inaptitude médicale oblige l’employeur à rechercher dans l’entreprise et dans le groupe une solution de reclassement appropriée aux capacités physiques et professionnelles du salarié.
Ce n’est qu’en l’absence de solution de reclassement, après une recherche active en ce sens, qu’un licenciement peut être envisagé pour ce motif.
Dans cette affaire, l’employeur soutenait avoir interrogé trois personnes, dont une seulement avait été identifiée, et il communiquait les registres uniques du personnel de la société et d’autres filiales du groupe pour justifier de sa recherche de reclassement.
Validant l’arrêt de la Cour d’appel, la Cour de cassation considère que ces éléments ne témoignent pas d’une recherche complète, personnalisée et précise de reclassement.
Cette solution est l’occasion de revenir sur les principales règles applicables à l’obligation de reclassement du salarié inapte.
L’obligation de reclassement s’applique-t-elle à l’employeur en cas d’« aptitude avec réserve » ?
Si le salarié est déclaré apte avec réserve, l’employeur doit simplement réintégrer le salarié à son poste en tenant compte des réserves émises par le médecin du travail, notamment en aménageant ses conditions de travail.
L’employeur peut-il proposer n’importe quel poste au salarié inapte ?
Le poste doit être approprié aux capacités du salarié et aussi comparable que possible au poste précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures tels qu’aménagements, adaptations ou transformations de postes existants (Art. L.1226-2 et L.1226-10 C. travail).
L’employeur doit donc en priorité proposer un poste du même niveau de qualification et de rémunération et sur le même lieu de travail.
Ce n’est qu’en l’absence de ce type de poste qu’il pourra proposer des reclassements de niveau inférieur et/ou dans d’autres établissements.
L’employeur peut-il limiter sa recherche aux choix exprimés par le salarié ?
Si le salarié a exprimé de manière claire et non équivoque qu’il ne souhaitait être reclassé qu’à certains postes ou dans une zone géographique déterminée, l’employeur peut limiter sa recherche de reclassement aux volontés du salarié.
En cas de litige, il devra prouver s’être conformé aux volontés du salarié. Par exemple, une simple « préférence » exprimée par le salarié ne saurait limiter le périmètre de l’obligation de reclassement.
Dans quelles situations l’employeur est-il exonéré de toute recherche de reclassement ?
Depuis le 1er janvier 2017, si le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur n’est exonéré de son obligation de reclassement que si l’avis d’inaptitude mentionne (Art. L. 1226-2-1 et L. 1226-12 C. travail) : «tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Hormis ces deux cas, et même si le salarié est déclaré « inapte à tout emploi dans l’entreprise », l’employeur est tenu de rechercher une solution de reclassement.
Comment se déroule la procédure de reclassement ?
La procédure de reclassement se déroule schématiquement en quatre étapes.
- Dès réception de l’avis d’inaptitude, l’employeur recense les postes disponibles dans l’entreprise et dans le groupe. Il privilégie les postes dont la qualification, la rémunération et le lieu sont les plus similaires à celui précédemment exercé. Il doit justifier de démarches précises pour parvenir au reclassement du salarié, notamment pour envisager des adaptations ou transformations de postes de travail ou un aménagement du temps de travail. C’est à ce moment qu’il peut interroger le salarié sur ses vœux de reclassement.
- L’employeur s’assure ensuite que les postes identifiés sont compatibles avec l’état de santé du salarié. En cas de doute, il interroge par écrit le médecin du travail, qui est seul compétent pour apprécier la compatibilité de l’état de santé du salarié avec le ou les postes de reclassement envisagés.
- Une fois la liste des propositions de poste établie et l’avis du médecin du travail obtenu, l’employeur consulte le CSE, s’il existe ;
- Enfin, il propose le ou les postes au salarié en lui laissant un délai suffisant pour répondre.
Le salaire est-il maintenu pendant la recherche de reclassement ?
L’employeur est tenu de reprendre le versement du salaire un mois après l’avis d’inaptitude, ce qui signifie qu’aucun salaire n’est versé le premier mois. Une convention collective ou un usage d’entreprise peut prévoir une solution plus favorable au salarié.
Quelles sont les conséquences possibles d’un refus de reclassement ?
Le refus d’une offre de reclassement peut entraîner deux conséquences majeures :
- S’il n’y a pas d’autre possibilité de reclassement, l’employeur est en droit de licencier le salarié en respectant la procédure légale (convocation à un entretien, entretien, notification du licenciement), la rupture intervenant dès l’envoi de la lettre de licenciement, sans préavis ;
- Lorsque l’inaptitude a pour origine une maladie ou accident professionnel, le refus abusif d’une offre de reclassement peut conduire à la perte de l’indemnité spéciale de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis.
Le salarié peut légitimement refuser une offre de reclassement qui ne serait pas loyale, par exemple parce que l’employeur a omis de lui proposer des postes disponibles plus proches de ses compétences ou de ses fonctions antérieures.
En théorie, il peut également refuser une proposition qui entraînerait une modification de son contrat de travail (qualification, durée du travail, secteur géographique, rémunération), ce qui est presque toujours le cas. Néanmoins, si son inaptitude est d’origine professionnelle, il devra veiller à motiver son refus pour qu’il ne soit pas jugé abusif.
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Avertissement : cet article contient des informations juridique générales sur la législation et de la jurisprudence au 12 juillet 2017. Il ne remplace pas une consultation juridique personnalisée.